Des menhirs, etc.

Tout d’abord, ceux de Loïc Le Groumellec à la Galerie Templon (jusqu’au 31 décembre). Il peint le même motif depuis si longtemps, menhirs, maisons, mégalithes parfois christianisés, surmontés d’une croix, qu’on reconnait aussitôt ses tableaux, leur force et leur unicité. Le motif ne compte plus guère : opposition entre monde païen et christianisme, racines celtes. L’important, c’est la série, c’est l’exploration de la peinture, l’obstination à démontrer encore et encore le pouvoir de ces formes, la force de ces oppositions entre noir et blanc. La laque appliquée irrégulièrement sur la toile donne un aspect étrange, minimal, comme une distance supplémentaire, un voile. Face à ce travail sur la forme, on se prend à penser à Malevitch, mais aussi à Morandi.

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Ensuite à Bordeaux, où la galerie ACDC vient de s’installer depuis Brest, d’autres menhirs d’un jeune artiste français, Tony Regazzoni. Les menhirs reconstruits dans l’exposition à échelle humaine ont gardé toute leur dimension païenne. Certains, parsemant l’espace de la galerie, imposants, sont des instruments de fertilité, de puissance sexuelle dotés de vertus magiques.
D’autres seraient des menhirs en miniature, bibelots joliment alignés comme des modèles industriels, si leurs formes phalliques  n’amenaient pas d’autres interprétations, plus crues : ce sont des simulacres, qui n’ont que l’apparence mais pas l’essence, qui ne sont que des illusions du réel, peut-être des copies d’un ersatz. L’exposition est titrée la Caverne; les autres pièces évoquent aussi le camouflage, l’illusion, le code.

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Et on se rapproche aussi du constructivisme, Tatline plus que Malevitch, cette fois; mais ce n’est là qu’une représentation de butt plug, me dit-on (Simulacrum 13).

Première photo de l’auteur; autres photos courtoisie des galeries. Le Groumellec étant représenté par l’ADAGP, les photos de ses œuvres ont été ôtées du blog à la fin de l’exposition.

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Loïc Le Groumellec

À propos des écritures… depuis le début de cette aventure pierreuse, ou plutôt de cette mésaventure comme le souligne justement Denis Roche au sujet de la description des mégalithes de Carnac, ces signes : sorte d’écriture, de runes ou de symboles métaphysiques, ont toujours été présents dans ma peinture.. Dès 1983, le CAPC de Bordeaux avait acquis un grand tableau où figuraient d’ailleurs les prémices de ce nouveau travail… Bien que formellement à l’opposé de mon travail précédent, ces signes abstraits ne sont que le prolongement de ce dernier. Ils sont liés physiquement par une même origine, et font partie intégrante de celui-ci. …j’ai toujours revendiqué le fait de peindre ce qui « existait dans la nature ». Ces signes appartiennent à la même histoire, et il existe un lieu sacré en Bretagne où les mégalithes sont totalement gravés de ces signes, couverts de cette écriture toujours indéchiffrée. Comme l’écrivait un critique d’art à propos de mon précédent travail : « …dans la succession des œuvres de Le Groumellec, une image chasse l’autre, comme à l’intérieur de chaque tableau, l’image qui y prend place, manifestement, a entrepris d’en écarter sa compagne », évoquant l’inertie propre à chacune des figures : mégalithe, maison, croix etc… Chacune se suffisant à elle-même pour produire un tableau. C’est maintenant à ces écritures de prendre leur place dans ce jeu « de chaises musicales ». Une fois ce lien décrit, ces « écritures-signes » traitées depuis trente ans sans efficacité réelle, deviennent aujourd’hui le centre de mon travail, me permettant d’affirmer les préoccupations qui ont toujours été les miennes : s’inscrire dans une histoire de l’art pictural qui se réfère au minimalisme, au monochrome, à une forme de radicalisme qui induit une méfiance, voir un rejet de toute narration par l’image. J’ai souvent dit et écrit qu’à mon sens, la définition de la peinture ne se résumait qu’à l’application d’une empreinte de pinceau sur un support ou que le tableau ne se constituait que par une horizontale et d’une verticale. Cette idée impliquerait même la production d’un même tableau, indéfiniment…mais différemment. Ces écritures me permettent d’ouvrir un champ sur une évidente abstraction, mais également de réaffirmer ce que je revendique depuis près de trente ans : la dimension spirituelle de l’acte de peindre et le fait de peindre le sacré par l’intermédiaire des mégalithes, et de ces écritures. Je crois en effet que le monochrome, est par définition, une production physique du sacré…. Extrait d’entretien.

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” Je considère l’érection de ces mégalithes comme autant d’actes sacrés qui permettent à l’âme de communiquer avec cet infini… Ce qui m’intéresse, c’est la confrontation entre l’appartenance à la terre et l’effort pour s’élever. Toute ma peinture se résume à cela : l’aller-retour permanent entre le haut et le bas… Ma technique de l’effacement a une grande importance dans ma relation à l’histoire de la peinture. Elle consiste à épurer, à arriver au presque rien, au minimal.”

 

L’attrait de la répétition infinie chez Loïc Le Groumellec

Issues du monde mégalithique, les runes poursuivent l’aventure pierreuse de Loïc Le Groumellec et sa quête de l’abstraction.

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L’ombre du mégalithe et « Écriture » d’où émerge une iconographie abstraite évoquant l’alphabet runique des Celtes©DR

On lui connaissait toutes les nuances de gris et de noir. Célèbre pour ses toiles minimalistes depuis les années 80, Loïc Le Groumellec (Vannes, 1957) avait cette insondable signature : ombres de mégalithes, croix et profils de maisons. Dans une approche presque sérielle, ces toiles vibraient d’une étrange perfection, celle d’une surface lumineuse réalisée par effacement progressif de la laque noire.

À la Galerie Triangle Bleu, l’artiste opère un revirement inattendu, s’appropriant subitement une couleur puissante relevant de l’art pariétal. Les aplats monochromatiques affleurent en ondulations dans un « pétillement » à la gouache qui évoque le rapport terre/élévation : « Ce qui m’intéresse, c’est la confrontation entre l’appartenance à la terre et l’effort pour s’élever, souligne Le Groumellec. Toute ma peinture se résume à cela : l’aller-retour permanent entre le haut et le bas, qui est l’une des définitions du sacré donnée par Bataille. Il est aussi possible de trouver dans la boue une dimension spirituelle, et, par ce biais, une accession au sacré. Ma problématique en peinture est ce grand tout et ce petit rien, cet extrémisme et cette naïveté. »

L’alphabet runique des Celtes griffe cette iconographie abstraite, peinture rouge orangé ou charbonnée qu’il nomme tout simplement Écriture. Ces entrelacs de courbes, ces césures et entailles figurent le monde, le pouvoir, le religieux, un renouveau en tout cas pour ce peintre de l’aventure pierreuse : « J’ai toujours revendiqué le fait de peindre ce qui « existait dans la nature », précise l’artiste. Ces signes appartiennent à la même histoire, et il existe un lieu sacré en Bretagne où les mégalithes sont totalement gravés de ces signes, couverts de cette écriture toujours indéchiffrée. »

Dans un jeu de chassés-croisés, ces signes deviennent la préoccupation première, écartant les figures de croix, maisons et mégalithes. C’est un continuum pleinement inscrit dans l’art pictural puisqu’il se réfère encore au minimalisme, au monochrome, à une forme de radicalisme qui induit une méfiance par rapport à l’acte de voir.

Enceinte imperceptible, des traits au crayon enchâssent cette écriture-signe archaïque qui pourrait évoquer à l’infini des phénomènes naturels ou tout autre symbole producteur de sacré.

Peindre, un acte spirituel

« Ces écritures me permettent d’ouvrir un champ sur une évidente abstraction, poursuit Loïc Le Groumellec, mais également de réaffirmer ce que je revendique depuis près de trente ans : la dimension spirituelle de l’acte de peindre et le fait de peindre le sacré par l’intermédiaire des mégalithes, et de ces écritures. Je crois en effet que le monochrome, est par définition, une production physique du sacré. »

Nimbés d’un profond et fascinant mystère, trois triptyques monumentaux complètent cet ensemble d’œuvres tout à fait inédites.

De nouveau, l’ombre du mégalithe émerge comme un phare planté dans une mer boueuse et houleuse, impliquant cette « notion de volume, de position de la pensée dans l’espace », aspect fondamental pour l’artiste qui ne cesse de revenir à la forme sculpturale ascensionnelle par le biais de la peinture.

& tout le tremblement

Henri Droguet et Loïc Le Groumellec

Loïc Le Groumellec, Œuvres récentes

Huit ans après sa dernière exposition à Paris, Loïc Le Groumellec présente dans la galerie de l’Impasse Beaubourg un ensemble de laques sur toiles récentes illustrant ses thèmes favoris désormais classiques.

Menhirs, mégalithes, croix, dolmens se succèdent ainsi, révélant un univers minimaliste à mi-chemin entre le sacré et le profane.

Depuis les années quatre-vingts, l’œuvre de Loïc Le Groumellec tient une place particulière dans la peinture figurative.

Ses toiles saturées de blancs et de noirs s’impriment immédiatement dans nos esprits par leur beauté plastique et leur singularité.

L’artiste représente des symboles forts dans une gamme chromatique limitée et définit ainsi un univers « étrange » baigné de solitude et de mysticisme, de religieux et de païen.

Comme l’explique l’artiste, « ma réflexion est basée sur des oppositions. Toute la structure repose sur ces conflits : poser la peinture mais avec une technique de l’effacement au chiffon, le noir / le blanc, la racine / l’élévation, la déconstruction / la reconstruction, la masse d’un religieux profane, la croix chrétienne et la croix tellurique. »

La peinture à la laque donne une brillance unique à la toile. Cet effet est accentué par la technique d’effacement utilisée par l’artiste qui applique d’abord une couche épaisse de laque pour la retirer par endroits laissant ainsi apparaître le motif.

« La peinture doit enlever, doit gommer des lectures parasites comme je le fais par ma technique de l’effacement, qui a une grande importance dans ma relation à l’histoire de la peinture. Elle consiste à épurer, à arriver au presque rien, au minimal », explique-t-il.

La peinture de Loïc Le Groumellec est une peinture sans concession.

C’est un travail quasi obsessionnel sur le thème du spirituel. Il n’y a pas d’histoire derrière les motifs, pas de symbole psychologique. Ils sont représentés pour ce qu’ils sont dans une démarche de recherche de perfection, d’absolu.

L’exposition de l’Impasse Beaubourg est accompagnée d’un catalogue édité par la Galerie Daniel Templon.

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Poèmes d’Henri Droguet

 

Peinture de Loïc Le Groumellec

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« on dit l’espace et la ténèbre on dit

fougère

ça mijote et c’est de l’aube

à lapider quand et quand les nuages

et le suint noir-blanc là-bas là-bas des foudres »

210 x 320 mm

32 pages imprimées sur BFK 250g en typographie sur les presses de la Société d’Art et d’Impression graphiques à L’Hay les Roses.

Couverture en Keay Colour 300g anthracite ; ouvrage dans une boîte entoilée, titre au dos.

Trente-trois exemplaires sur papier BFK Rives 250 gr dont trois exemplaires hors-commerce et trente exemplaires numérotés de I à XXX. Chaque exemplaire, comportant une double page non paginée peinte par Loïc Le Groumellec, est signé par l’auteur et par l’artiste. Sous couverture Keay Color gris anthracite, l’ensemble est présenté dans une boite toilée, titre au dos.

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